Compétitrice dans l’âme, Ysaline Bonaventure a enfin vaincu le signe indien sur l’ocre parisien. #Liégeois vous emmène à la rencontre d’une championne.
C’est sur la terrasse ensoleillée de Fayenbois que je rencontre Ysaline Bonaventure. Elle s’y entraîne avant de partir disputer deux tournois à l’étranger et d’enchaîner avec Roland Garros. « Ce Grand Chelem ne m’a jamais vraiment réussi. Je l’ai toujours suivi à la télévision mais j’y ai rarement bien joué. La terre battue n’est pas forcément ma surface favorite et j’y ressens davantage de pression », me confie la Stavelotaine qui, quelques semaines plus tard, réussira pour la première fois à s’extirper des qualifications à la Porte d’Auteuil avant de s’incliner avec les honneurs contre Bianca Andreescu, ancienne quatrième mondiale et lauréate de l’US Open 2019.
Après avoir grimpé jusqu’à la cent-dixième place au classement WTA, Ysaline avait dégringolé aux alentours du deux-centième rang mondial. « J’avais tendance à me plaindre lorsque j’étais proche du Top 100 mais je disputais de beaux tournois et je me rends désormais compte de ma chance », reconnait celle qui espère vivre enfin une année sans blessure. « J’ai souvent dû m’arrêter très tôt dans la saison et je crois que si je parviens à rester en bonne santé, les résultats suivront. »
Les belles prestations d’Ysaline sur l’ocre parisien viennent confirmer cette impression, d’autant qu’elle a évolué mentalement. « Avant, je broyais souvent du noir au lendemain d’une défaite. Maintenant, je parviens à me refixer un objectif et à repartir à l’entraînement », souligne-t-elle. « Je déteste toujours autant perdre mais je digère mieux la défaite. »
« Je ne rentrais pas dans le moule fédéral »
Une âme de compétitrice forgée très tôt dans l’adversité. Après avoir été reprise à la Fédé, Ysaline opte pour une voie différente et décide, à quatorze ans, de déménager aux Pays-Bas où, jusqu’à ses vingt-trois, elle bénéficiera de l’enseignement du même coach. « Je ne rentrais pas dans le moule fédéral et ce fut la meilleure décision de ma vie de partir chez nos voisins bataves où j’ai d’abord vécu chez mon coach et puis en appartement à dix-sept ans. J’ai appris assez vite à être autonome », m’explique-t-elle.
Responsabilisée très jeune, elle vécut une sacrée expérience à Moscou pour son premier tournoi international. Dans sa chambre typique des blockhaus de l’ex-URSS, la jeune belge voit des cafards se balader sur les murs. Son entraîneur l’encourage à s’accrocher. « J’ai mordu sur ma chique », se rappelle-t-elle. Elle peut compter sur le soutien indéfectible de ses proches. « Je viens d’une famille de sportifs qui me comprenait et qui a investi beaucoup d’argent et de temps dans mon tennis », remercie cette championne. « Je vis et j’ai vécu beaucoup de belles choses grâce à ce sport mais j’ai aussi raté beaucoup d’évènements importants : des anniversaires, des enterrements, des naissances ou des vacances en famille. Je regrette de n’avoir pu être davantage présente pour mes proches. »
Un entourage qui se révèle fondamental pour la tenniswoman. « Ce sont mes proches qui me permettent de garder les pieds sur terre alors que ma vie reste assez singulière. Je passe plus de trente semaines par an en tournoi où je suis maternée avec les hôtels, les restos, les chauffeurs », concède Ysaline. « Il faut pouvoir être hyper flexible, résilient et capable de vivre dans sa valise. Je sais rarement plus de dix jours à l’avance à quel tournoi je vais participer. Cela n’offre pas beaucoup de stabilité ni la possibilité de mettre en place une petite routine. »
« Un peu comme un chef d’entreprise »
Un style de vie qui fait cependant rêver les joueuses de tennis en herbe mais qu’il faut pouvoir assumer tout comme la pression liée aux résultats et à la médiatisation. « Il faut être courageux pour percer et durer au plus haut niveau, ne pas se reposer sur les autres et faire preuve de hargne et de caractère », analyse Ysaline. « Il faut pouvoir être égoïste dans le bon sens du terme et bien choisir son entourage. Un sportif professionnel est un peu comme un chef d’entreprise dont l’entreprise est lui-même. »
Dans le monde impitoyable du sport professionnel, la notion de plaisir peut disparaître chez certains. « J’aime beaucoup le tennis mais j’adore encore plus la compétition. Je suis une « matcheuse », une compétitrice et j’aime me fixer des challenges pour m’aider à me surpasser », sourit ma sympathique interlocutrice. « Je prends encore pas mal de plaisir à jouer mais c’est devenu mon gagne-pain désormais et je n’ai pas spécialement envie de taper la balle pendant mon temps libre. Je regarde quand même du tennis mais je préfère Netflix (rires). »
Avec un printemps réussi, Ysaline Bonaventure peut viser haut pour sa deuxième partie de saison et envisager un rapprochement avec le Top 100. « Être parmi les cent meilleures joueuses du monde, c’est l’idéal. Financièrement, la participation aux tableaux finaux des gros tournois permet de budgétiser l’année, les sponsors sont davantage intéressés. Cela amène une certaine sérénité et une spirale positive », m’apprend la jeune femme dont le tournoi préféré demeure Indian Wells. « J’y avais particulièrement bien joué et j’adore cet endroit. »
C’est cependant sur le gazon londonien que toute la Belgique se prend à rêver d’une épopée d’Ysaline, comme pour rajouter du soleil à un été où, enfin, tous les curseurs seront au vert.
Thiebaut Colot
Crédit photos : Ysaline Bonaventure Facebook