À la rencontre de Nathanaëlle Pirard, écrivaine liégeoise.
Si les thèmes qu’abordent Nathanaëlle Pirard dans ses écrits sont souvent difficiles, « glauques » pour reprendre la terminologie de mon interlocutrice, c’est une femme souriante dont les éclats de rire ne cessèrent de fuser au cours de notre entretien que je rencontrai un matin de juillet.
« J’ai commencé à écrire vers la cinquième secondaire, c’était important pour moi. Mais pendant mes romanes, je n’écrivais plus guère : l’étalon-mètre était tellement haut que c’était forcément inhibant », me confia Nathanaëlle en guise de préambule. Il y a dix ans, une libraire d’Hannut se piqua d’organiser des ateliers d’écriture avec une animatrice. « Quand la libraire a fait faillite, nous avons continué à domicile avec l’animatrice et puis en autogestion. »
Cette Sprimontoise d’origine désormais installée à Geer y retrouve le plaisir d’écrire et, suite à un changement d’orientation professionnelle, décide de s’y consacrer plus intensément. C’est ainsi que naquit Sally, son premier roman. « Je me suis dit que j’avais deux mois d’été pour le finir, j’écrivais tous les matins. C’était un fameux défi pour moi dont le tempérament n’est pas forcément d’aller au bout des choses », sourit Nathanaëlle. « Je me suis ensuite attelée au travail de réécriture et contrairement à ce que je craignais, j’ai adoré. C’était comme avoir un bloc d’argile qu’il faut sans cesse sculpter pour en affiner les détails. »
Très – trop ? – attentive aux détails, cette maman de deux enfants sait qu’elle ne pourra pas fonctionner sur le principe de l’autoédition. « Il fallait quelqu’un capable, à un moment, de me dire stop », rigola-t-elle. Pour Sally, Nathanaëlle avait simplement un début et un personnage. « Je savais que Sally était là, quelque part. C’est elle qui me poussait dans ce processus évolutif, constamment en construction. J’avançais au fil des pages sans savoir ce que j’allais révéler à la fin. »
Hyperactive, Nathanaëlle puise son inspiration en… bougeant ! « Ce que j’aime dans l’écriture, c’est la rencontre avec le personnage mais aussi le choix des mots, du rythme », m’expliqua-t-elle. « C’est aussi un challenge de voir comment je vais arriver à boucler le récit. Et c’est toujours surprenant de constater le résultat final qui n’est pas forcément celui auquel je m’attendais car, inéluctablement, on ne peut s’empêcher de « fantasmer » son livre. »
Dans Sally comme dans ses autres textes, Nathanaëlle s’empare de thèmes ardus, noirs. « La littérature nous offre le droit d’imposer des sujets qui nous font peur à condition que nous ne fassions pas que ça. C’est pourquoi, j’adopte une écriture par vagues – comme dirait une de mes lectrices – où les moments plus calmes succèdent à des moments chargés en émotions », constata-t-elle. « C’est peut-être aussi une forme d’exutoire. Écrire permet d’évoquer certaines craintes avec un écran de fumée, de faire passer des thèmes graves de manière plus légère. » Et d’ajouter : « Être dans l’enseignement nourrit sans doute mon imaginaire d’écrivain. »
À la sortie de Sally, Nathanaëlle fut positivement surprise. « Cela m’a permis de rencontrer des personnes que je ne connaissais pas ou peu mais aussi d’autres personnes qui écrivent. Je pensais avoir écrit un roman davantage destiné aux ados mais j’ai reçu de nombreux retours de sexagénaires. J’ai été émue que cette histoire et mon écriture touchent une autre génération », reconnut-elle. « Avoir publié Sally, c’est une forme d’accomplissement. Je suis arrivée là où je le souhaitais surtout qu’à un moment, l’écriture brûle tellement les doigts que cela fait tomber toutes les barrières. »
Loin de s’arrêter en si bon chemin, Nathanaëlle continue d’aligner les mots, incapable de s’arrêter. « Don’t stop me now de Queen est sans doute la chanson qui me caractérise le mieux. J’aime être en mouvement, être lancée, ne pas devoir me freiner », m’affirma-t-elle. « Plus j’écris et plus j’ai l’impression d’aller plus rapidement vers là où je désire aller. C’est une forme d’entraînement. Avoir déjà été publiée offre aussi une certaine forme de légitimité même si cela ne signifie pas que ce sera plus facile pour autant de publier un second livre. »
Actuellement, un bouquin de Nathanaëlle sur le rap est en comité de lecture et cette passionnée enchaîne également les nouvelles. « C’est un exercice que j’adore à cause de la chute. Je peux y développer un personnage et semer des petits indices tout au long du récit comme dans les films à chute », s’enthousiasma-t-elle, autant que moi à la lecture de Les mains dans la terre, publié aux Editions Lamiroy, et Le Duo, sortie dans le magazine Femmes d’Aujourd’hui. Nul doute que cette boulimique d’écriture risque encore de faire parler d’elle très prochainement.
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Pour commander son premier Roman : Sally (murmuredessoirs.com)
Thiebaut Colot
Crédit photo : DR