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« Mon Eléphantasme est devenu une sorte d’icône »

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#Liégeois / Liégeois Magazine vous emmène à la rencontre du renommé artiste liégeois Anis Daarga qui célèbre ses trente-cinq ans de carrière.

Cela fait trente-cinq ans qu’Anis Daarga a embrassé avec fougue une carrière d’artiste. Un anniversaire célébré en grande pompe avec une large rétrospective à l’Hôtel Van der Valk Congrès de Liège où trône une monumentale version de son célèbre Eléphantasme. « Pendant vingt ans, j’ai parcouru le monde pour me faire connaître et partager mon travail, réinvestissant dans mon art tout ce que je gagnais. Les dix années suivantes, j’ai gagné une certaine reconnaissance avant de connaître l’apogée au cours de ces cinq dernières années », résume ce dynamique quinquagénaire au physique affuté. « Ce lustre a aussi été marqué par ma rencontre avec celle qui est désormais mon épouse, Sandra. L’amour est un moteur. Sandra est ma muse et s’associe pleinement à cette vie d’artiste, notamment avec l’ouverture prochaine de notre galerie à Embourg ainsi que notre collection de bijoux. »

L’aventure artistique a toutefois commencé il y a bien plus de trente-cinq ans. À seulement quatre ans, Anis réalise son premier dessin concret. À sept ans, il intègre les ateliers créatifs des Chiroux où, vu ses aptitudes, il rejoint vite le groupe des adultes avec lequel il se perfectionne à différentes techniques au sein de ce qu’il décrit, déjà, comme une société matriarcale. Intéressé par différentes disciplines et malgré des études à l’Académie des Beaux-Arts, il n’envisage pas encore de devenir artiste-peintre. « Je pensais plutôt m’orienter vers l’architecture ou la publicité », se rappelle Anis.

En 1989, celui qui fut élu en 2012artiste belge de l’année par le Conseil National des Arts Plastiques, membre fondateur de l’Association Internationale des Arts Plastiques de l’UNESCO, apprend la mort de Salvador Dali, un artiste qu’il a toujours apprécié. « Je venais d’hériter du matériel de peinture de mon médecin traitant et j’ai alors décidé de peindre ma première toile, un auto-portait en trompe-l’œil », continue-t-il.

Quelques années plus tard, cet artiste pluridisciplinaire développe son concept d’Eléphantasme désormais décliné en une multitude de versions et connu par-delà les mers et les océans. « C’est un peu comme la Mona Lisa belge, c’est devenu une icône », remarque Anis avant de tenter d’expliquer le succès rencontré par sa création mêlant un corps de femme et une tête d’éléphant. « J’ai choisi cet animal car il présente un subtil mélange de sagesse, de force et de beauté et est organisé en société matriarcale. J’imagine que l’inconscient collectif a travaillé face à la fusion idéale des courbes de la femme et de la puissance du pachyderme. Cela amène une certaine réflexion, on peut également y voir un cœur. Cette œuvre se veut aussi rassurante, équilibrée, tout en ayant une certaine connotation sexuelle. » Et d’ajouter : « Au final, c’est un tout qui a contribué au succès de cet Eléphantasme. »

Une veine surréaliste qu’Anis exploite depuis lors. « Nous vivons dans un pays de surréalistes et ce courant me convient parfaitement. On est loin de l’inconscient du premier jet du dadaïsme. Il y a dans cet univers une réflexion, un humour, un jeu sur la forme et de la provocation, aussi, qui me conviennent bien », analyse-il. « Ce courant offre aussi plusieurs grilles de lecture, différentes interprétations des spectateurs pour tendre vers l’objectif final : provoquer une émotion. »

Dans le travail de ce Liégeois dont la notoriété dépasse largement nos frontières, plusieurs thèmes sont récurrents : la femme, les animaux mais aussi une certaine temporalité. « Je choisis toujours des animaux qui se déplacent lentement. Ce n’est pas par pur hasard, cela traduit mon rapport particulier au temps et à mes œuvres que je souhaite intemporelles », explique Anis qui n’hésite pas à explorer également le gigantisme et le monumental à travers ses sculptures ou ses fresques géantes. « Je suis un homme de défis, j’ai l’audace de vouloir relever tous les challenges. Je dis toujours oui lorsqu’on me propose un projet d’envergure. »

À l’inverse de nombre de ses collègues, Anis va de la peinture à la sculpture, sans doute la forme d’expression dans laquelle il s’épanouit le mieux. « C’est magique de voir un croquis ou une peinture prendre une forme concrète en trois dimensions. C’est un aboutissement et une fierté de créer du volume en partant de rien », confesse-t-il. « C’est un bonheur immense car on joue avec la matière. L’aspect tactile apporte encore des émotions différentes. » Et d’ajouter : « Ce n’est pas pour rien que la sculpture arrive en deuxième position dans la classification des arts, après l’architecture et avant la peinture. On reconnait une société par son architecture et ensuite ses sculptures qui font partie de son patrimoine et véhiculent des symboles. »

Enthousiaste et possédant encore la totalité des dessins réalisés depuis ses débuts, Anis ne manque pas d’inspiration et est convaincu du rôle fondamental de l’art et des artistes dans nos sociétés contemporaines. « La culture est essentielle et la mission des artistes est de distiller des messages, vulgariser le quotidien, susciter des émotions et la réflexion », pointe-t-il. « Ils doivent être engagés à différents niveaux et laisser une trace de leur passage. »

Loin d’envisager la retraite et avec une passion intacte chevillée au corps et au cœur, Anis fourmille de projets. « Je vise toujours plus haut, plus grand. J’aspire à faire voir mes œuvres partout, par tous, et le plus loin possible afin que le public puisse s’émerveiller et ressentir de vives émotions », conclut celui qui savoure pleinement cette trajectoire spectaculaire en conservant au fond de lui l’émerveillement de l’enfant participant à ses premiers ateliers créatifs.

Plus d’infos : Anis Dargaa – Artiste Belge – Accueil

Thiebaut Colot

Crédits photos : avec l’aimable autorisation d’Anis Dargaa

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