Focus sur Indian Dance Lab, la structure fondée par Dounia Devsena pour enseigner et populariser la danse indienne, une discipline qui mérite davantage d’attention.
Si Dounia a vu le jour à Bruxelles, c’est à Tanger qu’elle a grandi, sa famille ayant déménagé au Maroc quand elle avait trois ans. Et contre toute attente, c’est dans cette ville millénaire qu’elle découvre les films… indiens ! « Les cinémas de la ville ne diffusaient pratiquement que des œuvres produites à Bollywood », se remémore-t-elle. « C’était alors assez mal vu d’aller au cinéma mais j’ai tellement insisté auprès de mon papa que j’ai reçu le précieux sésame. » Immédiatement, c’est le coup de foudre. « J’ai tout de suite adoré. Les musiques, les couleurs, l’énergie : tout me plaisait dans ces films. Je voulais vivre dans un tel univers, c’était une évidence. »
Au fil des années que durent son enfance et son adolescence, Dounia dévore des cassettes VHS, sa passion pour l’Inde et Bollywood ne déclinant pas, que du contraire. Revenue en Belgique pour y poursuivre ses études supérieures, elle suit différents cours de danse mais c’est à trente ans qu’elle décide de s’initier sérieusement à la danse indienne. « Les mouvements y sont très codifiés et également exagérés car l’Inde est un très vaste territoire avec une population avoisinant le milliard et demi et où cohabitent de nombreux dialectes », précise celle qui s’est formée auprès d’artistes internationaux tels que Lucia Anjali, Karishma, Swapnil Dagliya, Megha Jawat ou encore Illan Rivière.
Belgo-marocaine, Liégeoise d’adoption, Dounia voue à l’Inde une affection profonde. « En Inde, je n’étais l’étrangère de personne », souligne celle qui a participé à la résidence Play and Practice à Bangalore. « Je ne fais pas de prosélytisme mais pour pratiquer la danse indienne dans laquelle il existe différents courants issus des neuf ballets classiques, il faut savoir comprendre les histoires et la mythologie qu’elle véhicule. »
Passionnée et se produisant régulièrement dans des évènements culturels et artistiques en Belgique et à l’étranger, Dounia fonde l’Indian Dance Lab en 2019. « J’avais alors l’impression que les gens consommaient la danse indienne comme du pur divertissement, qu’il existait une hiérarchie entre les différentes disciplines », explique-t-elle. « Cette colère saine a servi de déclencheur, je voulais démontrer que la danse indienne a autant sa place que les autres formes d’expression artistique. »
Un projet riche de sens pour la souriante artiste. « J’aspirais à sortir des clichés de la danse indienne, à changer les mentalités et la perception par rapport à cette discipline, à voir la culture indienne autrement – pas juste pour son exotisme – et à encourager à performer sur scène », détaille Dounia. « Il y a de nombreux obstacles à affronter. C’est un processus qui prend du temps mais ainsi ceux qui viendront après moi devront moins batailler. »
En 2020, Dounia bénéficie du parrainage du Théâtre de Liège dans le cadre du projet Liège Divercity. La participation à la première édition de Place aux artistes marque un tournant pour la jeune structure Indian Dance Lab qui présente ensuite Radha, une création originale, au festival international Liège Pays de Danses en 2022. « Nous avions été accueillis de manière très positive », se souvient Dounia.
Désormais implantée au Centre Antoine Vitez au cœur de l’historique Théâtre de l’Alena, Dounia y dispense des cours de danse indienne aux adultes et aux enfants. Avec bienveillance et une bonne humeur communicative, elle initie ses élèves aux fondamentaux d’une discipline qui présente de nombreux atouts. « La danse indienne permet de travailler le conditionnement physique ainsi que le rapport à soi-même. C’est un art difficile à maîtriser, il faut donc faire preuve d’indulgence envers soi-même pour y prendre du plaisir », souligne-t-elle. « La musicalité y est très importante, de même que l’esthétique des mouvements. Cela confère une élégance qui devient personnelle car chacun est différent. » Et d’ajouter : « La danse indienne prône aussi l’ouverture d’esprit, l’importance du collectif et offre une réelle solidarité au sein du groupe car tout le monde se met au service de l’histoire. Une unité et une complémentarité se créent entre chacun. »
Lors de ses leçons dans le cadre délicieusement suranné du Théâtre de l’Alena, Dounia distille ses précieux conseils sur des musiques à la fois traditionnelles et contemporaines. « La danse indienne classique, c’est de la géométrie, il faut penser aux proportions », prévient-elle avec pédagogie. « Il y a un point de départ et de retour, un code esthétique à conserver en mémoire. » Le sourire de la professeure se prolonge sur le visage des élèves conquis et le cours permet de progresser en respectant le corps de chacun, Dounia traduisant au passage la poésie qui se cache derrière chaque mouvement.
Avec Indian Dance Lab, Dounia propose différentes formules et activités, aussi bien des cours réguliers, accessibles dès 6 ans, que des stages thématiques organisés une fois par mois en compagnie d’artistes professionnels. « Les élèves travaillent sur les projets qu’ils souhaitent mener comme le tournage d’une vidéo ou la création d’un spectacle », précise-t-elle. « Pour chaque chorégraphie, des explications sur la musique et le film auquel elle se rattache sont fournies. »
Un spectacle est déjà prévu pour le 24 mai 2025 mais Dounia veut encore aller plus loin dans la promotion de la danse indienne avec un cycle de conférences ainsi que la projection de célèbres longs-métrages de Bollywood. « J’essaie d’être loin des clichés et de la caricature mais de faire découvrir cet univers qui tourne autour d’un thème central : l’amour », conclut-elle, le regard pétillant et le sourire franc.
Plus d’infos : Indian Dance Lab – Artiste – Fondatrice de l’Indian Dance Lab asbl , Dounia Devsena – Art – Culture – Bien-être
Thiebaut Colot
Crédits photos : Sonia Pecharroman Sorce