Coup d’éclairage sur Guillaume Tell, le dernier chef d’œuvre de Rossini joué jusqu’au 20 mars à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège.
Guillaume Tell et sa pomme s’invitent à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège ! Le dernier chef d’œuvre de Gioachino Rossini fut dès sa création une véritable révolution artistique. Librement adapté d’une pièce de Friedrich von Schiller elle-même inspirée d’une célèbre légende suisse, cet opéra s’éloigne des conventions du bel canto pour se diriger vers la narration épique d’une grande fresque historique en s’inscrivant dans une veine dramatique plus proche du grand opéra français contemporain. Un spectacle total alors que l’ouverture de cet opéra mondialement connu est devenue emblématique. Régulièrement jouée, celle-ci compte parmi les plus reconnaissables compositions de Rossini.
Petit paradoxe : si cette ouverture est rentrée dans la culture populaire, l’opéra dans son intégralité est rarement joué. Les causes sont sans doute à chercher du côté de sa longueur imposante et de sa thématique. Néanmoins, par son souffle épique et la beauté de la musique de Rossini, Guillaume Tell continue à captiver et à inspirer, comme en témoigne la première très réussie qui eut lieu ce 12 mars dans l’emblématique temple liégeois de l’Opéra.

C’est à Jean-Louis Grinda, ancien Directeur de l’Opéra Royal de Wallonie-Liège, que fut confiée la mise en scène de Guillaume Tell. Après s’être chargé d’Idomeneo en septembre 2023, il fait ainsi un retour fracassant dans la Cité ardente pour transmettre une nouvelle vision de son opéra fétiche. « C’est en aimant passionnément cette œuvre qu’il faut, selon moi, l’aborder », confie Jean-Louis Grinda. « Il faut essayer d’en comprendre l’immense apport à l’histoire de l’opéra mais aussi ne pas édulcorer la part de mysticisme qui, en réalité, relève plutôt du panthéisme. »
Le génial metteur en scène est conscient du défi que représente cette « œuvre à la fois colossale et fragile » qui nécessite, notamment, de « trouver la distribution adéquate », d’organiser un chœur de dimension conséquente et de parvenir à assimiler la longueur de l’œuvre sans y apporter des « coupures drastiques et assassines ». « Guillaume Tell est un chef d’œuvre profondément humaniste que je place, avec Falstaff, au sommet de mon Panthéon lyrique », assure Jean-Louis Grinda.
Pour sa mise en scène, Jean-Louis Grinda a articulé le récit autour de la figure héroïque de Guillaume Tell en assumant totalement les aspects archétypaux chers à la culture populaire. « C’est un héros, un vrai. Mais c’est un héros malgré lui, mélange de tendresse, d’amour, de naïveté et de force sauvage qui le dépasse… ou le révèle », souligne celui qui fut Directeur général et artistique de la Maison liégeoise de 1996 à 2007. A travers une multiplication de tableaux empreints de réalisme et d’élégance, cet opéra embrasse la pleine dimension dramatique et patriotique du combat des Helvètes – et oui, les Suisses n’ont pas toujours été neutres ! – contre leurs oppresseurs afin d’aboutir à l’aube radieuse qui verra la naissance d’une nouvelle nation.
Comme toujours, la distribution est à la hauteur de spectacle proposé en rassemblant les grands interprètes rossiniens que sont Nicola Alaimo (Guillaume Tell), John Osborn (Arnold) et Salome Jicia (Mathilde), aux côtés d’Emanuela Pascu (Hedwige), Elena Galitskaya (Jemmy), Patrick Bolleire (Walter Fürst), Inho Jeong (Gessler), Ugo Rabec (Melchtal), Tomislav Lavoie (Leuthold), Nico Darmanin (Ruodi, un pêcheur) et Kresimir Spicer (Rodolphe). Un opéra magnifique et magnifié à découvrir jusqu’au 20 mars à l’Opéra Royal de Wallonie-Liège.
Infos et réservations : Guillaume Tell – Opéra Royal de Wallonie-Liège
Thiebaut Colot
Crédits photos : J. Berger – ORW