En pleine opération « Lisez-vous le belge ? », focus sur Parlà, jeune maison d’édition belge implantée dans la Cité ardente, qui vient de publier Entre deux rives, une « formidable déclaration d’amour à Liège ».
En avril 2023, Anna de Vits, Axelle Renard et Wendy Herbrand fondaient Parlà, une maison d’édition spécialisée dans le témoignage et le récit de vie. « C’est avant tout un projet de passionnées », souligne Anna qui, avec ses deux acolytes, avaient déjà porté un premier projet éditorial – les éditions Part d’âge – quelques années plus tôt. « Nous avions envie de transmettre, de donner la parole à celles et ceux qu’on écoute parfois moins et aborder des sujets de société. »
Un choix éditorial qui ne doit rien au hasard. « Quand nous avons voulu nous lancer, on nous a dit que le marché du livre était saturé – ce qui est vrai – et que nous allions nous planter », se rappelle Anna. « Nous n’avons pas souhaité écouter ces mauvais augures mais avons par contre suivi le conseil d’explorer un marché de niche et d’en devenir une référence. »
« En outre, nous trouvons que l’intensité de lecture est plus intense quand l’histoire racontée vient du vécu de l’auteur, que nous goûtons différemment au récit et en retirons quelque chose de plus percutant, plus impactant », continue cette dynamique Liégeoise. « Nous avons aussi une vision idéaliste et utopique : la volonté d’essayer, à notre échelle, de changer le monde. Nous sommes issues d’une génération qui ouvre la parole, ose aborder des sujets auparavant laissés sous le tapis et qui n’hésite plus à montrer qu’il y a plein de manières de vivre sa vie et qu’il est possible de le raconter. Cela ouvre une multitude de chemins potentiels, d’où le nom choisi pour notre maison d’édition. »
Anna l’assure : elle et ses associées sont de « grandes amoureuses de Liège ». « C’est là où nous vivons, où nous développons notre projet. C’est notre ancrage et nous sommes heureuses d’œuvrer à valoriser le patrimoine culturel liégeois. Toutefois, nous nous positionnons avant tout comme une maison d’édition belge car nous ne nous limitons pas à Liège », précise-t-elle, soulignant au passage que les livres sont imprimés en Belgique et sur du papier belge pour coller aux valeurs écologiques des trois fondatrices.
En parallèle de Parlà, Anna est également professeur de français. « Je suis passionnée par mes deux métiers et je désire n’en abandonner aucun des deux », sourit-elle. « Dans ces deux professions, c’est les relations humaines que je tisse que j’aime le plus. Avec Parlà, je suis au début du processus en réceptionnant les manuscrits et puis j’accompagne les auteurs en travaillant avec eux sur le texte. De belles relations naissent ainsi et peuvent être approfondies. Chaque auteur est différent et cela offre une vraie richesse humaine. » Et d’ajouter : « Nous veillons d’ailleurs à ne pas publier trop d’ouvrages afin de pouvoir conserver ces fortes relations avec nos auteurs. »
Dans un marché du livre surchargé, il n’est guère évident de se faire une place au soleil. « Nous sommes confrontées à plusieurs difficultés : celle de se démarquer, celle de rivaliser avec les grosses maisons d’édition françaises qui écrasent le secteur grâce à leurs importantes parutions et celle de rester accessible au niveau des prix pour le grand public tout en demeurant concurrentiel », observe Anna, ravie toutefois que Parlà rejoigne le réseau de l’ADEB pour optimiser la distribution de ses bouquins qui seront disponibles prochainement dans les grandes enseignes. « C’est cependant toujours très important pour nous de nouer des partenariats avec des commerces locaux – comme Wattitude – pour que nos livres soient vendus aussi ailleurs que dans des librairies. »
Après une grosse année, Anna savoure la chouette expérience que constitue Parlà et voit des motifs d’espérer pour la littérature belge. « La situation du livre belge est à la fois compliquée et grimpante. Le livre français domine toujours outrageusement le marché mais, en même temps, grâce notamment à des campagnes comme ‘Lisez-vous le belge ?’, je constate que beaucoup de libraires et d’influenceurs mettent les ouvrages belges en avant, que notre visibilité grandit et qu’il existe une réelle volonté d’une partie des lecteurs de consommer spécifiquement des livres belges », analyse la jeune éditrice. « La littérature belge n’a rien à envier à sa voisine française et colle davantage à la réalité des lecteurs belges. »
Après Entendre c’est toute ma vie, Les Affamés, Certaines étoiles brillent plus fort et avant Le Cocu, les trois Liégeoises ont publié leur quatrième titre voici quelques semaines : Entre deux rives, de Suzanne Aubinet. « C’est un roman qui se passe à Liège. Même si l’autrice ne nomme pas les lieux, les lecteurs pourront les reconnaitre. C’est une ode à Liège et à ses personnages délabrés et généreux », s’enthousiasme Anna. « Ce livre insuffle de la tendresse dans les aspects sombre de la ville. Il est une formidable déclaration d’amour à cette Cité ardente que nous chérissons toutes. »
L’aventure ne fait que commencer pour Parlà Editions qui, grâce à la passion, l’énergie et l’empathie de ses trois fondatrices saura se faire sa place dans le paysage littéraire belge.
Thiebaut Colot
Plus d’infos : Maison d’édition de récit de vie, témoignage | Liège | Parlà Editions
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